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Ecriture

 

Textes rédigés durant le cours d'écriture de François Bon à l'Ensapc.

 

 

4 décembre 2013

 

 

Allumer la petite lampe de chevet. L'ampoule est nue. La lumière éclaire la tête du lit et l'oreiller. Attendre que plus personne ne bouge. Pendant l'intervalle des vas et viens, regarder le ciel se noircir en ne pensant à rien.  Alors se calfeutrer dans ce bout de lumière, qui encadre les solitudes. La tête posée sur l'avant bras, regarder le mur jaune ou est accroché un paysage de neige en noir et blanc. Ne pas se retourner, éviter de faire face au reste de la chambre. C'est trop grand. On a plus peur des monstres, évidemment. On n y croit plus vraiment. Mais tout de même une terreur primitive que si on regardait il y aurait bien quelque chose.

 

 

27 novembre 2013

 

 

Instruction pour se souvenir.

 

Dans un lieu de votre convenance. Nous ne nous attarderons pas sur le décor spécifique de cette pièce et retiendrons l'unique idée d'un dispositif pouvant donner vu sur le ciel. Choisissez votre moment. Il est conseillé de se mettre en souvenir, lorsque la nuit n'est pas encore trop installée et que le bleu de l'espace ne soit ni trop sombre, ni trop réel. Choisir une lumière d'entre deux.

Les yeux sur l'horizon vide des lumières d'étoiles. Dans ce fond neutre, concentrez toute votre attention. Écoute distraite des bruits autour. Écoute des bruits de notre corps. Remémoration involontaire des bruits qui ont fait notre journée. Les couleurs qui ont portaient notre regard, des formes qui ont attirées notre attention. Le fond bleu sert maintenant d'écran de projection au refaçonnage de ces images, devenues abstraites dans l'oubli des événements continus du jour.

Y apporter ses propres précisions. Détails qui viennent combler les manques du souvenir. Inventer une parole là ou il n'y a plus qu'un son. Inventer un arbre, un immeuble là ou il n'y a plus qu'un masse. Inventer la précision d'un regard, quand on ne voit plus la couleur de l'oeil.

Soudain – La scène se rejoue devant vous, aussi vrai que lorsqu'elle eut lieu sous vos sens. Peut être avec plus de force même. Le corps entrain de se souvenir se retrouve englobé, gobé par la réalité recrée. Une voix s'élève dans le silence. Vous ne la reconnaissez pas tout de suite. C'est la votre.

 

 

 

13 novembre 2013

 

 

Dix huit heure à Montparnasse, du bruit, des gens qui courent. A coté de moi une femme en long manteau beige, dans un souffle me dit : le train de bordeaux était en retard ! Huit heures de trajet et ce n'est pas fini. Je dois encore aller jusqu'à Chartres ! Son accent vient me frapper les oreilles, et je prend conscience, qu'ici tout un monde attend d'aller ailleurs.

Je lui montre l'écran d'affichage, elle me suit voie 19. on s'installe dans mon habitude. Voiture de tête. Une fois assises l'une en face de l'autre elle me questionne : Vous allez à Chartres aussi ?

A chacune de ses questions je la lui retourne.

- Je suis sociologue de formation. Maintenant, je donne des cours à des mineurs en souffrance. Je leur apprend à écrire, à parler comme on est sensé le faire. Là, elle s’arrête de parler et observe le paysage. Elle souri et enchaîne subitement : Vous êtes jeunes, à votre âge je travaillais en plus de mes études. Je lui demande son âge. Elle relève quarante neuf années. Plus je l'observe plus je la trouve jeune. Elle fait bouger ses mains pleines de bagues, babioles et quand je lui sert la main avant de descendre, elle dit mon prénom alors que je ne sais pas le sien.

 

 

 

6 novembre 2013

 

 

Soudain la réalité se décolle de ma tête. Sensation de s'envoler ou de s'affaler à l'intérieur de moi même. Il faut que je m'accroche à du concret, saisir l'assise de ce corps sans lequel mon esprit s'effondre.

Je n'ai plus chaud ni froid.

Je ne m’intéresse qu'à mes mains, elles doivent se tenir accrochées l'une à l'autre, pour garder l'espace de mon corps. Tout se passe dans la tête. Longue supplique pour que mes yeux, que j' imagine désormais grands ouverts, exorbités, tentent d'agripper les couleurs et que l'esprit s'y fixe.

Et si je me recolle dans mon dedans, c'est avec effarement.

Expérience de la mince limite. Raison corporelle qui veut retenir l’irrationnelle de la tête.

 

 

 

9 octobre 2013

 

 

Une fille adossée au mur du boulevard.

Elle attend.

Il fait nuit, nous sortons du métro.

Aller-retour.

La fille attend toujours entre les lampions de Kléber.

Elle attend quoi ? Je dis.

Il dit : les clients.

 

 

Le BHV. Tonitruant.

La masse se bouscule. Ça parle. Ça cogite dans tous les sens.

Un rouge à lèvre vermeille qui scintille dans les vitrines.

Bleu – Violet. sur les trottoirs et sur les gens.

 

 

Le bruit du métro qui déchire, les affiches pendent tenues par un doigt.

Le carrelage se craquelle à coté d'un homme dans un baquet orange.

 

 

Assis, un clochard somnole.

Une petite le regarde.

A coté un homme joue d'un accordéon blanc, le feu passe au vert.

 

 

 

Dans le jardin des plantes, les arbres – à coté les bancs- les gens courent en boucle à l'intérieur.

Prisonniers des grilles en fer.

Le mammouth en fonte se tient tranquille, à l'entrée.

Il regarde. Profitant du spectacle.

 

 

 

2 octobre 2013

 

 

Image à Montparnasse. Tout bouge. Une voiture. Un autre bus. Le C&A lumineux sur la place. Arrêt. Arrêt sur image devant les cinémas. Affiches. Affichées. ça floute les titres. Observatoire. Observation d'une vieille sur un banc. Clope. Bière. Les gens, la masse, tombent dans l' habitacle. Seule chose fixe, le reflet de la fille en face. Fixe-détourne. Regard sur les Gobelins. Le bus gobe les passagers. Dans le flou la boulangerie chinoise. Un instant, passage d'une baguette et d'un pain au chocolat. Action. Activation d'un bâtiment en forme de bateau. D'un coup la mer à Sainte Jeanne d'Arc. Palissades vertes et grises, des fausses prairies devant l'hôpital. Le métro vole sur Austerlitz. Atterrissage imminent.      

 

 

Le soleil baisse derrière le cerisier. Nuages gris-grêle-pluie-neige.

Les feuilles tombent - sont tombées.

Le soleil monte un peu - rose et encore légèrement mouillé. 

ça bourgeonne de partout dans les branches.

ça grandit.

ça vit.

Le soleil monte encore derrière le cerisier - on le voit plus jaune, moins orangé.

Des fruits.

De la vie dans les branches.

Du rouge dans les becs.

Le soleil tombe de l'arbre - s'écrase dans l'herbe.

Noires.

 

 

Le dessin des fleurs dans l'herbe.

Le dessin de la rivière au fond de la terre.

Un pommier - un prunier - un abricotier- un oiseau qui décolle à réaction.

Réaction étrange que de contempler le vide au milieu d'un décor aussi chargé.

Une goutte de pluie éclos sur la surface.

Suive d'un milliard d'autres comme elle.

Le décor s'anime, du vent.

 

 

 

 

 

 

 

 

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